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Nouvelle étude sur la vidéosurveillance à Bruxelles
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Répartition géographique de la vidéosurveillance dans les lieux publics de la Région de Bruxelles-Capitale
Répartition géographique de la vidéosurveillance dans les lieux publics de la Région de Bruxelles
Depuis son introduction au début des années 1990 à Bruxelles, la vidéosurveillance dans l’espace public a pris de l’ampleur et ses objectifs se sont élargis. Importante source de revenu pour un secteur de la sécurité en pleine expansion, mesure facilement réalisable pour des politiciens tenus de donner des réponses à l’insécurité, moyen pour les autorités de se montrer proactives et en phase avec les technologies les plus modernes, la vidéosurveillance est un dispositif qu’il serait impossible de résumer à une seule de ses nombreuses facettes.
L’originalité de cette nouvelle étude réside dans son approche géographique. En effet, la vidéosurveillance est généralement approchée sous ses angles juridique, éthique, criminologique ou sociologique. Si ces aspects ont été pris en considération pour cette recherche, son objectif premier a été de cartographier toutes les caméras publiques de la Région de Bruxelles-Capitale pour ensuite comparer cette distribution spatiale avec la géographie sociale de Bruxelles.
Le numéro 104 de Brussels Studies dresse donc tout d’abord une cartographie des 1365 caméras identifiables dans l’espace public bruxellois en 2015 (sans compter les 1800 caméras présentes dans les stations de la STIB). Ensuite, les auteurs, Pauline De Keersmaecker et Corentin Debailleul, géographes de l’Université libre de Bruxelles, ont examiné le contexte d’implantation de ces caméras. Enfin, ils ont mené de nombreux entretiens avec des représentants des autorités publiques et de la police locale pour compléter cette analyse spatiale.
Leur analyse montre que tous les quartiers n’ont pas la même densité de caméras dans l’espace public et que cela n’est pas sans lien avec le niveau socio-économique des populations qui y résident. Des sociologues avaient déjà pu mettre en évidence les stéréotypes racistes ou de classe que les agents en charge du visionnement des images de vidéosurveillance ont tendance à reproduire en focalisant leur attention sur certains profils. L’analyse géographique vient confirmer ce constat : les plus hautes concentrations de caméras se trouvent dans les quartiers populaires de Bruxelles, là où la pauvreté ou le chômage sont les plus prégnants, là où les populations les plus jeunes et issues de l’immigration sont les plus nombreuses.
Par ailleurs, les auteurs ont également examiné quels types de lieux faisaient l’objet de vidéosurveillance. Il en ressort que les caméras sont souvent placées sur les places communales, parvis d’église, rues commerçantes, principaux carrefours et axes de circulation, stations de métro comprises. Tout comme dans les gares, la circulation y est importante et la surveillance, de mise. Réciproquement, les places, les bars, parcs et parkings, où la mobilité est très faible, sont aussi fréquemment surveillés électroniquement. Enfin, certains lieux sont équipés du fait de l’intérêt qui leur est propre. C’est le cas des monuments et des sites touristiques (Atomium, Grand-Place...), des sites d’intérêt national (ministères, Palais royal...) et des sites d’intérêt communal (hôtels de ville, bibliothèques, mais aussi écoles et logements sociaux). Dans ce dernier cas, il semble que les conseils communaux se comportent à l’image de propriétaires protégeant leurs biens.
Les auteurs soulignent que des faits divers dramatiques servent systématiquement d’argument pour plaider en faveur de la mise en place ou du développement de réseaux de caméras de surveillance, empêchant ainsi toute possibilité de débat. Pourtant, l’efficacité de la présence de caméras de surveillance fait toujours débat : on assisterait souvent à un déplacement spatial des délits, plutôt qu’à une baisse généralisée de la criminalité. Les causes présidant à l’installation de caméras sont donc à chercher ailleurs. La compétition interurbaine est l’une d’elles, et expliquerait, conjointement avec la pression exercée par les commerçants, la prédominance des caméras dans le centre-ville de Bruxelles (et les quartiers populaires proches), ainsi que dans le quartier européen, pour faire de Bruxelles une ville « sûre » et attractive tant pour les visiteurs que pour les investisseurs.
Les auteurs concluent que si la vidéosurveillance s’inscrit dans des tendances globales (grands intérêts économiques ou foi dans les solutions techniques aux problèmes sociaux), il est nécessaire d’évaluer le contexte local dans ses dimensions sociale, juridique, fiscale et politique afin d’en établir la cartographie.
texte repris de ulb.ac.be/actulb/sciences.php ?e=1643#1643